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2 août 2010 1 02 /08 /août /2010 07:26

 

Voilà, plus qu’une semaine avant le grand départ ! Dans une semaine jour pour jour nous nous envolons en famille pour une année de vie sur un catamaran dans la mer des Caraïbes ! C’est aussi ma dernière sortie en mer du nord en rade de Dunkerque avec le club des Dauphins.  Pour cette occasion j'invite mon beau frère (Patrick) pour une sortie en mer ; la dernière que nous ferons ensemble avant un an. La sortie se fait sur Solen, un First 310. Avec nous, deux autres bateaux du club, un Sun Fast 32 et un J80. L'équipage du first est constitué de 6 personnes. La météo est bonne, annoncé du NO force 4 forcissant 5 en soirée, départ comme à l’habitude vers 18h pour un retour vers 20h30. L’équipage est de bonne humeur, la météo idéale pour la dernière sortie et nous partons plein ouest face au vent pour revenir au portant au cas où. Principe de base que je mets en place ce 28 juillet. Je vérifie que chacun porte bien son gilet de sauvetage autogonflant et que la sangle sous cutale soit bien mise en place : tous ont bien revêtu leur gilet. Les bosses des 3 ris sont bien en place et les nœuds de chaise du génois sont correctement réalisés. Tout semble ok. Nous sortons du chenal et coupons le moteur une fois les voiles sorties. Une question m’est posée par un équipier : que dois-je faire de la clé ? Je rétorque que j’ai pour habitude de la laisser sur le contact et de la « bloquer » avec le porte clé afin qu’elle reste à poste. On ne sait jamais au cas où…

Le vent monte 3 puis 4, je décide de prendre 1 ris dans la grand voile et d’enrouler le génois de moitié. Le bateau file bien, il est équilibré, tout l’équipage est heureux. Au loin déjà les nuages apparaissent et quelques équipiers se mettent en tenu de combat tandis que le chef de bord n’a exceptionnellement pas prévu  de prendre son sac  de voile contenant bien entendu, les bottes, le ciré et le fameux couteau qu’il a toujours avec lui dans sa poche. J’avais par habitude allumé et réglé la VHF sur le canal du port de Dunkerque le 73 pour les entrées et sorties de port, ainsi que la double veille sur le 16. Nous entendons  un peu plus tard à la VHF un May Day en Anglais d’un voilier avec 6 personnes à bord et nous suivons attentivement l’appel qui est repris aussitôt par le cross qui envoie un bateau sur zone. Je profite de cet appel pour l’expliquer en détail à l’équipage. Je pars dans une explication détaillée sur les appels de détresse en partant du « sécurité, sécurité, sécurité », au May Day en passant par le « pan pan pan ». J’explique la marche à suivre si quelqu’un tombe à la mer, les différentes attitudes à adopter, les gestes et réflexes à avoir. Tous sont à l’écoute et l’information semble être passée.

Le vent monte, la mer se forme et déjà des creux d’un mètre cinquante se forment laissant apparaitre des moutons qui se transforment assez rapidement en écume blanche qui déferle des vagues. Je décide de faire demi-tour et de rentrer avant la baston que l’on voit arriver au loin, le ciel est gris foncé et les trombes d’eau apparaissent au loin. Le bateau est au grand largue et file avec des pointes à 10 nœuds. Il surfe sur les vagues et à chaque fois on ressent l’accélération. Compte tenu de l’état de la mer et de la force du vent je décide de reprendre la barre afin d’éviter un départ au lof ou pire d’empanner involontairement. Nous rentrons en direction du port. Je continue mes explication en y mettant de la pédagogie et en expliquant ce qu’il faut faire et ne pas faire à cette allure. J’explique et je montre l’attitude du bateau quand on choque l’écoute de grand voile et ensuite je continue en démontrant l’efficacité à choquer du hale bas de GV afin que le vent puisse s’évacuer rapidement. Tous ont compris, aucune question, c’est bon l.

Nous sommes tribord amure et il nous faut empanner car le cap que nous suivons nous permet difficilement de rentrer directement au risque de se rapprocher trop près de la plage sur notre droite et de toucher le sable. J’organise l’équipage : 2 personnes aux winchs, Patrick à la grand voile et moi à la barre. Les 6 personnes de l’équipage sont prêtes. La manœuvre commence, Patrick est en position semi debout et commence à border doucement la GV et à ce moment même une vague conjuguée à une rafale de vent déstabilise le bateau et Patrick perd l’équilibre, tombe sur tribord et se cogne violemment la tête, dans la foulée  la GV passe sur tribord, l’empannage se fait et n’ayant plus personne à la GV, l’écoute ne peut pas être choquée et le bateau gîte rapidement. Tout l’équipage se retrouve expulsé sur tribord par l’effet du transfert de charge et tout en reflexe j’attrape les deux premières personnes que je vois par les vêtements : une de la main droite et une de la main gauche. L’équipier « main droite » est l’embraque qui s’est mis à cheval ayant accrue sa stabilité et de l’autre côté Patrick qui a perdu connaissance lors de sa chute m’échappe de mains et ne sais le retenir.

Je le vois glisser sous la filière incapable de faire quoi que ce soit, je n’ai pas la force de le maintenir sur le bateau. Le bateau reste lui en position gîte tribord étant donné que la GV n’est toujours pas choquée en grand mais juste à moitié. Je vois Patrick inconscient flottant à une dizaine de mètres du bateau les voies aériennes hors de l’eau ! Ce n’est pas possible ! Le gilet s’est gonflé comme il se doit ! Ouf ! Les vagues sont maintenant plus fortes…2 mètres…

Je choque de ma main gauche l’écoute de GV, le bateau se redresse et je compte l’équipage : 4  personnes, il ne manque que Patrick ! Me vient à l’esprit de sauter à la mer pour aller le secourir mais les nombreuses lectures et échanges à ce sujet me résonnent. J’en oublie de lancer la bouée fer à cheval qui après réflexions n’aurait servi à rien puisque Patrick est inconscient. J’ordonne à un équipier de fixer l’homme à la mer et dans l’action je répète plusieurs fois cet ordre à cet équipier, il s’exécute et il le fera jusqu’au bout. Je décide de repartir à la voile pour récupérer l’homme inconscient à la mer, car régulièrement je fais des exercices avec des pare-battages par mer calme ou moyennent agitée mais jamais dans ces conditions.  Les ordres sont clairs mais je ne nomme personne pour faire l’action, je réitère une seconde fois mes ordres mais pas de réaction. Je tourne la clé pour démarrer le moteur, impossible de la tourner, je réessaye toujours pas ! Je la retourne, elle était mise à l’envers. Le moteur démarre au quart de tour. J’envoie un équipier dans le carré pour faire un appel de détresse à la VHF il descend et il me regarde d’un air qui signifie : comment fais-ton pour se servir de la VHF ?  Je lui explique qu’il faut appuyer sur le bouton à côté du micro pour parler et il commence à communiquer avec le port : « Allo, allo …une personne est tombée à la mer ». J’entends le port qui répond qui êtes-vous signalez votre position ! L’équipier me regarde du carré l’air déconcerté et je lui dit :  « entre la bouée de courant et la DW29 ». Ca y est je sais que l’information est reçue par le port et que ces bouées sont bien connues par ceux-ci. Nous ne sommes plus seuls au monde. Les bateaux du club sont à quelques centaines de mètres mais comme la visibilité est réduite ils ne s’imaginent pas ce qui est en train de se passer. Je décide d’enrouler le génois seul et de faire tomber la grand voile. Heureusement que j’avais mis la drisse de GV claire avant (toujours des habitudes). Le génois faseye dans tous les sens et les 2 écoutes se sont nouées entre elles je décide d’enlever le nœud d’arrêt pour libérer les écoutes afin de limiter la prise au vent, l’enrouleur arrive à bout de course laissant le génois déroulé de plus d’un mètre cinquante. La grand voile non plus ne s’est pas affalé entièrement et il reste également environ 2 mètre de toiles, tout l’équipage est perturbé. L’équipier n’a toujours pas quitté Patrick des yeux et il y a maintenant plus de 5 minutes que l’accident à eu lieu. Patrick est à 150 mètres du bateau peut-être plus et je l’aperçois de temps en temps quand il se retrouve sur le haut de la vague, mais l’équipier dont la seule mission était de veiller l’a toujours en vue. Je vire et je me dirige avec le moteur vers l’homme à la mer. Je le vois au loin toujours sans connaissance et je me mets à son vent comme effectué lors des nombreux exercices. Je prends en considération la vitesse car il ne faut pas arriver trop vite au risque de le rater, ni trop lentement afin de garder suffisamment d’ère pour rester manœuvrant. Déjà un équipier se met sur bâbord pour aller le chercher, je demande à un deuxième d’aller chercher la gaffe dans l’équipé tribord mais je vois à ses yeux qu’il ne comprend pas trop. Je répète et il me dit : quoi ? Trop tard il faut y aller sans.

Le bateau est maintenant à 20 mètres de la victime et je décide de mettre le moteur au point mort, je me rapproche et je ne vois plus rien. Le vent souffle par rafales, 6, 7, 8 ? C’est secondaire ! Deux équipiers sont sur bâbord et je ne sais plus où est Patrick. Est-il passé sous le bateau ? Je vois enfin sa main sur le rail de fargue et je crie très fort « ne le lâchez pas ! ». Je répète 10 fois cette phrase. Je demande à un troisième homme d’aller sur bâbord pour aider à la récupération. Le bateau se rapproche de la plage inexorablement mais je ne peux pas remettre le moteur en route au risque de voir mon beau-frère broyé par l’hélice. Les équipiers essayent à trois de remonter Patrick sur bâbord et je leur demande de le ramener vers l’arrière du bateau. Je baisse la marche pour accéder plus facilement à l’arrière. Là je vois Patrick tenu par un seul équipier tous ne peuvent accéder à l’endroit. Je me jette sur la victime qui est maintenant consciente. Une force surhumaine m’aide à le remonter sur le bateau aidé par le reste de l’équipage. Patrick se plaint de grosses difficultés à respirer. Le sondeur indique 2 mètres. Le moteur à fond je dégage le plus rapidement vers le large pour éviter au bateau de s’échouer sur la plage. Je demande à un équipier d’aller chercher un couteau dans la cuisine pour couper la sangle du gilet qui oppresse fortement Patrick. Toujours pas de réponse, le stress sans doute. Je décide donc, malgré les plaintes de Patrick, serrer une dernière fois le gilet pour enfin le dégager et lui permettre de retrouver de l’air. A ce moment un équipier prend l’initiative d’aller sur l’avant car il a vu les écoutes de génois libérées trainant dans l’eau et risquant de se prendre dans l’hélice. Je lui interdit d’y aller ne voulant plus recommencer une deuxième fois la même situation. Ce sera moi.  En me tenant des deux mains je vais chercher les écoutes et les donnent rapidement à un équipier. Les écoutes sont à bord, le risque est évité.

Patrick descend dans le carré accompagné par l’équipage afin de le mettre en sécurité et de la réchauffer. Une solidarité s’est formée et les habits s’échangent afin de réchauffer la victime qui est frigorifiée. Après 5 minutes le bateau est maintenant à l’entrée des jetées et je peux donc quitter la barre et reprendre contact avec les autorités afin d’expliquer la situation. Le port me demande de prévenir le sémaphore qui me contacte aussitôt et m’informe qu’il a suivi la conversation à la VHF ainsi que la manœuvre de récupération de l’homme à la mer. Je les remercie de veiller sur nous et ils classent l’incident comme clos. Le vent est maintenant raisonnable

Merci à tout l’équipage d’avoir aidé lors de cette situation exceptionnelle. Merci à Christophe pour n’avoir à aucun moment quitter l’homme à la mer des yeux, merci à Jean-Pierre et William pour avoir donné le meilleur d’eux-mêmes et d’avoir récupéré Patrick du premier coup et merci à Sylvianne qui a prise en charge, comme il se doit, Patrick une fois à bord.

Le bateau est maintenant amarré à sa place, un grand soulagement arrive. Il me faudra quelques jours pour réellement réaliser la situation.

 

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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 22:19
 

 

 Départ prévu le 4 août 2010 pour un retour en août 2011 

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